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MARKO93, street artiste à Saint-Denis #interview

19.04.2024
 La  première  des  choses,  c'est  l'émotion... 

Saint-Denis style !

Marko jure qu’il ne se présentera jamais aux élections pour devenir le maire de la ville de Saint-Denis, il restera tout simplement l’un de ses ambassadeurs. Plongé dans le graffiti dès la fin des années 80, l’artiste décide très vite d’aller voir ce qu’il se passe ailleurs, outre les mers et les océans. Son travail évolue avec les années pour s’ouvrir davantage au street art.

Sa recherche devient permanente, sa réinvention quotidienne, et de nouvelles destinations en nouveaux lettrages, il acquiert techniques et savoir-faire pour réaliser des œuvres universelles, tout en provoquant les occasions pour faire de belles rencontres.

Marko93 est sur Instagram et Facebook
 J'ai  vu  ça  une  fraction  de  seconde  et  c'est  resté  dans  ma  mémoire... 

Tu peux nous en dire plus sur ce lieu où se trouve ton atelier ?

Alors, on est au 6B qui est un ancien immeuble où se trouvait les bureaux de Alstom. C’est un bâtiment qui est classé, ce qui fait qu’il ne peut pas être détruit. Le promoteur ne savait pas quoi en faire, ça n’était pas rentable de le réhabiliter, donc il a signé une convention avec une association qui s’appelle le 6B.

L’asso gère une centaine d’ateliers, ça va du peintre au dessinateur, sculpteur, musicien, réalisateur. Là, on est dans mon espace où je peins, à l’aérosol, au POSCA, à l’acrylique, c’est un endroit où j’essaye plein de choses et où je peux faire des tâches parterre !

Tu es originaire de la ville de Saint-Denis ?

Je suis originaire de Saint-Denis, une ville qui est à dix minutes de Paris, au nord. On est de l’autre côté du périph’ quand même. Depuis gamin j’ai toujours eu deux passions : le graffiti et les soirées. Les fameuses soirées des années 90, que l’on appelle aussi les « Golden Years ». J’adore le rap et le R&B de ces années-là, dès qu’il y avait une soirée et que j’allais sur Paris, je taguais sur le trajet.

Ensuite, j’ai fait du graffiti, avec aussi un côté social dans le sens où quand je peignais dans les quartiers les habitants étaient présents, il y avait un échange qui se créait. Et quand j’avais fini, les gens vivaient avec ce que j’avais dessiné, c’est quelque chose que j’ai toujours considéré. Le street art et le graffiti entrent dans les galeries et les musées depuis quelques années en France, mais ça fait plus de 30 ans que les gens vivent avec des fresques autour d’eux dans les banlieues.

Comment c’était de grandir à Saint-Denis ?

Comme je dis souvent : « Quand tu as grandi à Saint-Denis, tu es paré à faire le tour du monde ! » Ici, l’aventure elle commence en bas de chez toi ! C’est aussi une ville où l’on est un peu chauvin, un peu comme les Marseillais. Et Saint-Denis, même si tu déménages, tu la gardes dans le cœur. Moi, je voyage énormément, j’ai besoin de partir, et quand je reviens, au moment où Saint Denis est indiquée, je suis content, ça me fait plaisir. Parfois il faut partir pour apprécier de nouveau ta ville.

Tu te souviens de tes premiers souvenirs de graffiti ?

Quand j’étais minot, je traversais en courant un terrain vague qui séparait la cité des Franc-Moisin de la cité des 4000 de La Courneuve. Et au fond du terrain j’ai le souvenir de voir des espèces de lettres dessinées avec une tête de b-boy, et des étoiles sur les lettres, c’est à dire une croix que l’on fait à la bombe, ensuite on vise le centre d’un peu plus loin et ça donne une espèce de halo.

C’est la petite étoile que l’on retrouve dans plein de graffs des années 80/90, qui est magique. J’ai vu ça une fraction de seconde et c’est resté dans ma mémoire. À Saint-Denis c’était rempli de tags, d’ailleurs pour qu’un mec se fasse connaître, il fallait qu’il attende qu’un mur soit repeint pour être le premier à taguer dessus !

Comment tu as appris le graffiti ?

À l’époque, il n’y avait pas de tutos ! Pas Internet ! pas Youtube ! Moi, quand je me suis intéressé à tout ça je suis allé dans les terrains vagues, regarder, analyser, faire des photos. Et quand j’avais la chance de tomber sur un mec qui faisait un graff, j’y allais timidement et je le regardais bosser.

Tu apprends beaucoup en regardant les autres faire, j’ai beaucoup appris de cette manière. Il fait ses esquisses en clair, OK. Après il affirme ses esquisses avec une couleur un peu plus foncée, il dégrade telle couleur avec telle couleur, ensuite les contours, et pour finir il met un reflet blanc.

À partir de là, quand j’ai été devant une œuvre je l’ai décortiquée : la première des choses c’est l’émotion, c’est ce qui fait que je vais m’y intéresser d’un peu plus près. Et ensuite, je vais décortiquer le cheminement de la création.

 c'était  pas  évident  de  se  retrouver  dans  une  pièce  devant  un  petit  cadre... 

Aujourd’hui tu te sens plus street-art que graffiti ?

Je ne me sens pas plus street art aujourd’hui, mais on a besoin de mettre une étiquette. Je fais moins de graffiti et plus de façades peintes et toiles. Je suis un peintre tous supports tout simplement. Alors que les gens voient du graffiti ou du street art dans mon travaille peu m’importe.

Comment a évolué ton style au fil des années ?

Là, il va falloir faire très court sinon ça peut durer des heures ! J’ai commencé vers 1988 à écrire avec un marqueur dans les rues, j’avais aussi fait un flop avec deux bombes et un pote. En 89, j’ai commencé à dessiner, notamment avec des Posca, sur feuille. Un style très new-yorkais, b-boy, lettrage, limite Wild Style avec ses fameuses étoiles et ses flèches.

En 93, je fais des couchers de soleil, des skylines comme on dit, et en même temps je commence à m’intéresser à la calligraphie, que je traite d’une manière abstraite. J’ai pioché dans différents alphabets : arabe, asiatique, les kanjis, et même l’écriture mongole verticale. À ce moment-là je sors un peu du lot car c’était nouveau. Aujourd’hui il y a le courant calligraffiti qui marche bien dans le monde entier.

Autour de 95, j’ai commencé le réalisme : je prenais une photo et je la reproduisais sur un mur. On était une dizaine en France à faire ça. Le meilleur c’était Alex des Mac, qui a été le fer de lance européen, voire mondial, de ce courant.

En 99, j’étais avec ma chérie, on regardait le film « The Pillow Book » de Peter Greenaway, c’est l’histoire d’un mec qui dessine sur des peaux humaines, c’est un peu barré. J’ai pris un marqueur et je lui ai dessiné sur le dos ! Un « 93 » avec des calligraphies. À partir de là, en soirée, je peignais sur des gens, j’ai dû le faire sur des milliers de personnes ! J’ai même peint sur Katoucha, le premier mannequin noir égérie de Yves Saint Laurent.

En 2000, je vois une photo où il y a les traînées des phares de voitures. Un ami m’explique que c’est la technique de la pause longue en photographie, et qu’avec une lumière qui se déplace on obtient une traînée, sans trucage. Je pense directement que je peux taguer mon nom, et je commence à utiliser cette technique pour faire des photos, mais aussi des performances en direct.

Je pensais avoir inventé un concept, je pensais être gravé dans les mémoires, être reconnu ! et je suis tombé sur des photos de Man Ray qui a utilisé cette technique en 1934 ! Là, on redescend ! J’ai fait des performances sur toute la planète, notamment en Arabie Saoudite, où j’ai fait du light painting en direct, de jour, retransmis sur un écran de vingt mètres sur huit, c’était incroyable !

On arrive fin 2000, et je prends cet atelier. Je me suis remis à la peinture et j’ai essayé de faire des toiles, ça a été difficile d’être satisfait. Je venais du mur, de l’extérieur, c’était pas évident de se retrouver dans une pièce devant un petit cadre. J’ai mis quatre ans à trouver mon style.

Depuis trois ans j’y prends enfin du plaisir. L’atelier ça permet d’essayer des nouvelles choses, de trouver des idées qui pourront me servir pour un mur ou un projet. Quand j’y vais je reste trois-quatre jours, je suis en immersion, je dors dans mon canapé et je travaille la nuit. Je suis dans mon environnement et je vis avec mes créations. Une fois j’y suis même resté six jours !

C’est aussi beaucoup de souffrance de créer dans l’atelier, mais j’aime quand même me mettre en danger. Si j’ai 30 toiles à faire pour une expo, il y en a 20 que je ferai en amont. Et je fais les dix dernières en trois jours, avec une bonne playlist et beaucoup de café ! Et à chaque fois que je rends les tableaux, le jour J je me dis : « Plus jamais ça ! »

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