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Jérémie Art, mi-psychomotricien, mi-artiste, pleinement humain

27.04.2024
 être  moi-même  dans  le  plaisir  du  faire 

soins, santé, art & philosophie

Jérémie a toujours créé et réfléchi, sur l’art, le Monde, la mémoire et le fait d’être artiste. Son parcours l’a amené à se scinder pour mieux ne faire qu’un. Il a choisi d’aider les autres à travers sa pratique de psychomotricien et de créer pour mieux partager des moments avec ceux qu’il aide. Un artiste généreux qui a su trouver un équilibre pour participer vertueusement à cette société qui n’est pas toujours docile avec ceux qui ont des difficultés ou qui en rencontrent.

On retrouve Jérémie sur Instagram, le GHU a un website très complet, et bien évidemment nos articles sur Ernesto Novo.

Jérémie

« Je suis psychomotricien diplômé d’état et sensori-motricien Bullinger. Aujourd’hui je travaille en neurologie adulte au GHU de Paris. Je suis aussi artiste et je fais des fresques participatives, notamment dans des lieux de soin. Ce sont deux activités distinctes, qui sont complètement liées et complémentaires selon moi. C’est un équilibre que j’ai toujours souhaité, et que j’ai trouvé.

J’ai commencé par deux années de médecine, mais ça n’était pas compatible avec mon projet de faire deux activités. Je suis allé en psycho à la fac et j’ai adoré, ça me donnait du temps pour bosser mes sujets artistiques. Ensuite, je suis allé à l’Institut Supérieur de Rééducation Psychomotrice à Paris. Je pensais travailler avec des adultes et j’ai rencontré l’enfance et l’autisme, ce qui répondait aussi à mon évolution artistique. En 2009, je suis arrivé à l’hôpital de jour de La Pomme dans le 18ème à Paris, qui n’avait pas de psychomot’. On a défini et créé le poste, et ça a bien marché. C’était le début de la pluridisciplinarités dans cette institution.

Parallèlement à ça, j’ai une activité artistique au moins aussi importante que mon travail. Être au monde, participer à la société pour en témoigner, et d’ailleurs dans l’histoire de l’art c’est plutôt commun. »

 la  pluridisciplinarité  est  essentielle 

la psychomotricité

« Tu auras autant de réponses que de psychomotriciens. La psychomotricité, pour moi, dans le cadre dans lequel je travaille, c’est une vision globale de l’aspect moteur, psychologique et aussi cognitif d’une personne. Le but est de considérer cette globalité pour fournir une rééducation spécialisée sur des compétences transversales à ces aspects. Par exemple, le neuropsychologue et l’orthophoniste s’occuperont de ce qui concerne l’acquisition et le traitement d’informations. Et les réponses à ces informations, c’est le domaine du psychologue et du kinésithérapeute. Tous ces spécialistes encadrent les patients et je vais travailler avec eux en prenant en compte toutes ces composantes de réceptivité et d’action sur le schéma corporel.

Certains patients auront la capacité motrice, mais ne seront pas capables d’organiser un geste : saisir un objet leur est devenu impossible. Ils auront oublié une partie de leur corps et comment il bouge dans l’espace. On est dans les troubles du schéma corporel, ça va être la spécialité du psychomotricien. L’un des objectifs, c’est d’inventer les conditions nécessaires à rééduquer le trouble : évaluer où en est le patient, prendre en compte ce qu’il vit et l’adapter à sa situation, ne serait-ce que pour des questions de sécurité. Proposer des exercices et donner des billes aux autres rééducateurs, autant qu’ils m’en auront données. Là encore, la pluridisciplinarité est essentielle.

Dans certains cas, la rééducation peut être de mettre la personne dans la répétition d’un geste face à un même type de stimulation. Le cerveau, qui a été endommagé, va créer à force d’entraînements des circuits qui ne sont pas des circuits initiaux. Il va contourner pour créer un nouveau circuit, pour faire ce geste qu’il n’arrivait plus à faire. Au rééducateur d’être à l’écoute de qui est son patient, et créatif pour proposer des exercices qui le motivent. »

 L’imitation  est  énorme  dans  notre  développement  et  on  imite  des  gens  qui  ont  la  même  boite  à  outils  que  nous 

autisme

« Par exemple, avec un enfant dit “autiste” pour qui le “non” n’a pas de signification, je vais travailler avec les parents, qui pourront faire évoluer la situation à partir du moment où ils intégreront cette donnée. Tu peux dire mille fois “non” à l’enfant, s’il n’a pas encore accès à la représentation symbolique du mot, il ne comprends pas ce qu’il signifie et implique. Moi, je dois arranger l’extérieur pour que ce qui lui est accessible soit permis. Je vais m’arranger pour ne plus avoir de moments où on lui dit “non”. Du coup, on ne se frustre pas 50 fois dans la journée. Ça ne résout pas tout, mais c’est un peu plus cool, et ça donne du temps pour d’autres interactions dont l’enfant a besoin.

Pour moi, une personne atteinte de TSAtroubles du spectre autistique –, c’est quelqu’un qui par rapport à son outillage sensorimoteur est très ingénieux. Nous, on s’est beaucoup construits parce que l’on copie ce que l’on voit. L’imitation est énorme dans notre développement, et on imite des gens qui ont la même boite à outils que nous. L’autiste, autour de lui, il n’a personne qui a la même boite à outils, et plein de choses vont faire qu’il peut être vite dépassé par son environnement. Donc, il innove pour trouver des conduites d’évitement et d’esquive pour trouver un équilibre.

Fernand Deligny, un pédagogue, mais aussi réalisateur, éducateur et écrivain, a travaillé avec les autistes, et il a très bien décrit certains comportements. Quand toi, tu jettes un caillou dans l’eau pour faire des ricochets, tu regardes les ondes parce que c’est le résultat qui t’intéresse. Puis tu vas reprendre un caillou et refaire des ricochets. L’autiste, il va prendre un caillou et le jeter, il ne va pas regarder le résultat parce que lui est dans le plaisir de faire, il est dans le geste. Et ça, ça m’a vachement interpellé. »

 le  nombre  d'or,  c'est  devenu  l'élément  principal  qui  nourrit  mon  travail 

Homonculus & nombre d’or

« La répétition m’a amené à mon premier sujet : “Homonculus”. En neurologie, c’est la représentation que tu te fais des différentes parties de ton corps dans ton cerveau, et ça n’est pas proportionnel à ta taille, mais comment tu les ressens.

C’est au moment où j’ai cherché à répéter un geste qu’est apparu pour moi ce visage de profil, qui est aujourd’hui au centre de mes créations. Il s’agissait d’être moi-même dans le plaisir du faire. Ça donne une sorte de visage/objet, décliné d’une infinité de variations. Ça déformait l’espace, ce qui m’a fasciné, et j’ai commencé à “habiter” avec ce motif le grand hangar du squat d’artistes de la Clinique des Arts en 2012. J’ai recouvert entièrement l’espace avec mon motif au POSCA pendant six jours sans interruption. Puis j’ai adapté Homonculus à d’autres espaces, en ville et dans la nature.

Ensuite, j’ai découvert le nombre d’or, c’est devenu l’élément principal qui nourrit beaucoup mon travail. Il correspond aux proportions de l’infiniment petit à celles de galaxies ; et ton œil est moulé sur ces proportions. C’est regarder une œuvre à la bonne distance et avoir cette sensation corporelle de relâchement.

Ça m’a pris un an pour comprendre le concept et dessiner correctement la spirale de Fibonacci, qui se base sur la suite de chiffres du même nom. Et dans cette spirale, j’y intègre mes visages de façon harmonieuse. Aujourd’hui, quand je travaille sur une fresque, tout est calculé sur mon ordinateur, et quand je prépare le mur, je suis sûr de ne pas me tromper, que ça va marcher pour l’œil, et que tout le monde pourra en profiter.

Pour mes fresques participatives, je n’ai gardé que la pratique du geste répétitif. Quand on commence un atelier, ça met tout le monde à l’aise et au même niveau, que vous soyez médecin, soignant, patient ou technicien d’entretien. Dans cette activité, qui peut être du dessin, du coloriage ou du collage, même si on se pose des questions, la main prend vite le relais, et chacun se surprend, et rencontre l’autre autrement. Ainsi quand ils investissent mes formes chacun applique son geste répétitif, de façon très simple ou très complexe. Je prends chacun là où il en est et je peux l’amener plus loin que ce qu’il pensait. Ils investiront concrètement la fresque qui habitera leur espace. »

Play Me, I’m Yours
des pianos custos dans la ville

L’aventure Play Me, I’m Yours commence en 2008. Des pianos sont disséminés dans une ville, en libre-service et des concerts sont organisés avec des professionnels. Ils sont au coin d’une rue, dans un hall de gare ou un couloir de métro. Ils arrivent à Paris en 2012, et pour leur donner un cachet, ils sont customisés par des artistes. De nombreux POSCA ont participé à leur colorisation ! avec Sifat, DTONE, Ernesto Novo et d’autres, la marque a été associée étroitement à ces événements. Jérémie a eu l’occasion de réaliser un piano en tant qu’artiste et un deuxième en invitant des enfants dont il s’occupait à ce moment-là. C’est aussi là où il rencontre Ernesto…

 

 

PLAY ME, I’M YOURS 2014

« C’est la rencontre avec Ernesto Novo au PMIY de 2014 qui va me permettre de professionnaliser mon approche artistique, de moins partir dans tous les sens, de ne pas être ce magma de concepts. Quand on m’a sollicité pour PMIY, j’étais à La Pomme, et j’ai proposé de customiser un piano avec les enfants. Avant la journée custo en extérieur, on a bossé un an avec les enfants et un artiste qui venait à l’hôpital pour bien les connaître, et savoir fonctionner ensemble.

Il y a une partie de travail sur leur sensorimotricité, et quand je fais un atelier, on commence parfois en découvrant le POSCA et comment ça marche : génial pour l’échauffement. On a un marqueur dans la main, on le secoue pour l’amorcer, ça fait du bruit et rien qu’avec ça on fait un groupe. Tout le monde fait la même chose, on se met dans son corps et on peut aborder l’idée du motif répétitif. Ils essaient et trouvent leur geste.

Le jour où on doit customiser le piano, on se retrouve Place d’Italie, devant l’entrée du centre commercial, des enceintes qui crachent de la musique et huit artistes qui sont en train de dessiner sur leur piano. Tout est balisé, donc on est tranquilles, les gens ne peuvent pas s’approcher trop près. On était plusieurs soignants et chacun connaissait son rôle, les enfants aussi savaient exactement ce qu’ils avaient à faire, c’est-à-dire du collage et d’en colorier certaines parties.

On avait fait passer des caps sur le plan sensorimoteur à certains enfants pour éviter qu’ils ne soient envahis par des stimulations, pour d’autres, on a trouvé des solutions pour s’adapter à l’environnement, notamment un à qui on a mis un casque antibruit. Si je sais ce qui va être trop stimulant pour l’enfant je peux résoudre le problème, ou alors l’esquiver, comme avec le casque anti-bruit. Et un événement comme celui-ci, c’est aussi accepter de ne pas tout contrôler, certains ont besoin d’explorer l’endroit, un autre a pris le micro et a dit salut à tout le monde, et pourquoi pas finalement ?

Ça se passe génialement bien, c’est formidable pour les enfants, super cohésion dans l’équipe, et la plus belle image que j’ai de tout ça, c’est une maman très émue qui me dit : “On est exclus de partout, je ne peux aller nulle part avec mon fils. Au cinéma, au musée, faire les courses ou prendre le bus, les gens nous font des remarques, ne veulent pas nous voir. Et là, c’est la première fois que je vois mon fils dans un endroit où il y a des barrières et ce sont les autres qui n’ont pas le droit de rentrer.” Et ça, c’est… la plus belle victoire d’inclusion. »

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