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Dorothée Vantorre, parcours bien-être et santé créative

19.04.2024
 j’ai  souffert  de  blocage  créatif  pendant  des  années 

libre expression

Dorothée Vantorre est avant tout en quête de bien-être, d’un équilibre qui lui permette d’être sereine, de dessiner, sculpter, fabriquer, de s’exprimer et réfléchir à bon escient. Mais tout ça, ça se travaille ! On a parlé un moment avec elle, on l’a enregistrée, et finalement dans ce texte qu’elle nous avait envoyé il y a plusieurs mois, ça paraissait pertinent de le publier avant de revenir sur son travail et son processus créatif. Il résume son parcours au fil des années, évoque la sensation d’être artiste et souligne la façon dont les mots ont une influence sur qui l’on est et qui l’on sera. Plus qu’un cheminement c’est une simple expérience de vie, de bons conseils et une expérience partagée qui n’est que bienveillance et motivations.

Dorothée est sur Internet et sur Instagram

MON PARCOURS

J’ai toujours été créative, pourtant je me considère comme une late-bloomer (pour les non-anglophones, cela signifie que j’ai pris mon temps) : j’ai souffert de blocage créatif pendant des années et j’ai mis presque 40 ans à savoir ce que je voulais faire de ma vie.

Enfant, j’étais l’artiste de la classe. Jusqu’aux études supérieures, créer a été omniprésent dans ma vie et m’a parfois rapporté un peu d’argent, mais je n’ai jamais envisagé d’en faire mon métier. Après une année d’histoire de l’art, frustrante car trop théorique, j’ai étudié l’architecture, le compromis parfait entre l’art et un «vrai» métier. Je me suis toujours sentie en décalage avec les autres étudiants car je sentais confusément que l’architecture n’était pas la passion de ma vie, néanmoins cela m’a permis de faire de belles rencontres et de vivre un an en Italie. Après le diplôme, j’ai été jeune fille au pair quelques mois en Espagne. Rien à voir avec l’architecture, mais je rêvais d’apprendre l’espagnol.

De retour en France, grâce à mon premier emploi, j’ai réalisé que je ne voulais ni avoir un patron ni travailler dans le secteur du bâtiment. Mes aspirations étaient plus artistiques que techniques et je ne me retrouvais pas dans l’échelle des projets architecturaux. Je voulais aussi mettre la main à la pâte au lieu de dessiner des plans que d’autres allaient réaliser. Surtout, je m’amusais plus avec mes projets personnels. Il y a dix ans, j’ai donc quitté un CDI pour un grand saut dans l’inconnu. Je n’avais pas de plan (le comble pour une architecte !), et dans la foulée de ma rupture conventionnelle j’ai écrit un livre sur le modelage, un rêve d’enfance. Les années suivantes, j’ai officialisé ma marque de bijoux Les Folles Marquises, j’ai cofondé un collectif d’artisans à Calais et commencé à créer des créatures fantastiques en pâte polymère.

 Le  plus  important  n’est  pas  d’avoir  un  bel  objet  fini,  mais  d’avoir  éprouvé  du  plaisir  à  le  réaliser 

LE BLOCAGE CRÉATIF

Tout était rose en apparence mais je souffrais de blocage créatif (ce qui est un peu problématique dans un métier comme le mien). J’étais hyper-occupée avec ma marque de bijoux, je me disais qu’il fallait d’abord que je gagne de l’argent et qu’ensuite je me ferais plaisir. Lorsque j’arrivais à trouver un peu de temps pour la création pure, si j’étais satisfaite de mon œuvre, je ne dessinais plus pendant des semaines, de peur de faire moins bien. Ça a duré des années. Un jour j’ai mis de l’ordre dans ma to-do list à rallonge et je me suis rendu compte que nulle part il n’y était question d’art. Bref, je faisais tout à l’envers ; il n’y avait pas de place dans ma vie pour ce que j’aimais vraiment. Après avoir compris la raison de ma frustration permanente, j’étais encore plus malheureuse car je ne voyais pas comment en sortir. Je me demandais quelle était la différence entre les artistes qui réussissent et moi, et je me sentais vraiment nulle. Je me suis mise à lire plein de livres sur la créativité et le développement personnel. J’ai dû me remettre en question et changer mes habitudes. Voici ce que j’ai dû apprendre pour pouvoir avancer :

1) Travailler avec régularité est l’unique façon de progresser. Persévérer et ne jamais renoncer, c’est ce qui fait la différence sur le long terme.

2) Il faut accepter de se tromper. Chaque réalisation est un exercice, un pas de plus vers le but recherché, pour faire mieux la fois suivante.

3) Le plus important n’est pas d’avoir un bel objet fini, mais d’avoir éprouvé du plaisir à le réaliser.

Je n’ai commencé à résoudre mon blocage qu’à partir du moment où j’ai arrêté de me poser des questions et me suis juste mise au travail. Toutes ces années de souffrance alors que la réponse était si simple ! Désormais j’essaie de commencer chaque jour par quelque chose qui me fait plaisir, au lieu de le reléguer à la fin de la journée, quand je n’ai plus ni le temps ni l’énergie. Je n’ai jamais été aussi productive ! J’ai décidé de donner la priorité à l’art et d’utiliser ma marque de bijoux pour créer des produits dérivés de mes personnages, ce qui réunira enfin mes deux univers.

 Certaines  de  mes  idées  viennent  de  la  paréidolie 

L’INSPIRATION

Ce qui me passionne, ce sont les personnages, et surtout les mille façons de représenter un visage, il suffit de jeter un œil à mes carnets pour s’en rendre compte. J’aime aussi imaginer des créatures fantastiques, évidemment.
Après les gens, mes plus grandes sources d’inspiration sont la faune et la flore. J’ai beaucoup de sympathie pour les formes de vie hors-normes, les mal-aimés, les moches, les répugnants, les freaks. L’année dernière, j’ai appris à observer la nature (au lieu de me contenter de l’imaginer), cela a été une révélation. Certaines de mes idées viennent de la paréidolie. Je vois des visages, des personnages, partout : dans un nœud du parquet, une tâche sur le carrelage, une ombre. Enfin, le travail de nombreux créatifs m’inspire ou me motive, que ce soit en mode, design, graphisme, cinéma ou musique. Dans les arts visuels j’évite de m’attacher à une personne ou une œuvre en particulier pour ne pas risquer le plagiat, je multiplie donc les sources d’inspiration.

Le processus de la naissance des idées me fascine. Pour résumer, je vois mon art comme du collage car il résulte souvent de l’association de deux ou trois concepts. Mon cerveau digère les images que je lui donne, et recrache des idées, parfois des visions très précises, lorsque je suis éveillée ou même quand je dors (Il m’arrive de rêver d’une sculpture et je suis dégoûtée qu’un autre artiste ait eu cette super idée, puis en me réveillant je me dis «Hé mais c’est MON idée en fait !»). Plus je crée, plus j’ai des idées. Il n’est pas toujours facile de vivre avec un esprit extra-créatif, il faut apprendre à canaliser cette créativité, et faire des choix. Quand je suis fatiguée ou stressée, l’inspiration disparaît, mais je ne m’inquiète pas car elle finit toujours par revenir. J’essaye de ne pas forcer les choses. Noter mes idées me permet de ne pas les oublier et de libérer la place dans ma tête pour les idées à venir. C’est pour cela que mes carnets sont si importants pour moi : témoins de mon évolution, ils contiennent mes projets, comme une to-do list visuelle. Mes croquis sont rarement jolis, ce n’est pas leur fonction. J’ai toujours un carnet et un crayon à portée de main, comme ça je suis équipée lorsque l’inspiration frappe à la porte.

 rien  ne  vaut  le  contact  avec  la  matière 

TECHNIQUES

Je suis touche-à-tout, cependant il y a des outils et techniques avec lesquelles je suis particulièrement à l’aise. Pour le volume, j’utilise de la pâte polymère, teintée dans la masse, mais j’ai de plus en plus envie de dessiner dessus, de la peindre, d’y ajouter des éléments en bois sculpté, du textile. En dessin, mes outils de prédilection sont les feutres et les crayons de couleur. J’apprécie la (relative) rapidité du dessin car il est parfois frustrant de travailler des jours sur une sculpture. Je dessine aussi sur l’ordinateur, cela permet d’avoir un rendu parfait (utile notamment pour mes bijoux en bois gravés et découpés au laser) mais rien ne vaut le contact avec la matière. Je suis encore timide avec la peinture, disons que je patauge un peu avec l’aquarelle et l’acrylique. J’ai peint quelques pièces à la peinture en bombe et au pochoir et ça m’a beaucoup plu. Affaire à suivre !

 Pendant  longtemps  je  n’ai  travaillé  qu’en  noir  et  blanc 

LA COULEUR

Pendant longtemps je n’ai travaillé qu’en noir et blanc. J’ai compris récemment que la couleur n’est pas incompatible avec les rythmes, les textures, les jeux de valeurs. Il m’arrive de me prendre de passion pour une couleur, ou de redécouvrir une teinte que j’appréciais peu, comme un film que l’on revoit avec un autre regard. Au fil des années mes œuvres sont devenues de plus en plus colorées. Depuis 2013 l’une de mes couleurs fétiches est le vert d’eau de POSCA, j’avais trouvé ce feutre pendant des vacances à Séville, je l’ai usé jusqu’à la corde et j’ai stressé à l’idée de ne pas en retrouver un. Je suis aussi une inconditionnelle du rose sous toutes ses formes, du pastel au fluo !

 Il  est  important  de  mettre  un  mot  sur  ce  que  l’on  est 

ÊTRE ARTISTE

Cela a été dur de m’accepter en tant qu’artiste, j’étais pleine d’idées reçues, peut-être parce que le mot artiste était utilisé de façon péjorative dans mon entourage : « les vrais artistes font des choses réalistes, ils sont tous morts et au musée », et les artistes d’aujourd’hui, sont « des gens à côté de la plaque qui font n’importe quoi ». Je pense au contraire que les artistes sont des gens très lucides. Hors des cases on a plus de recul. Pour moi, être artiste, c’est être dans un questionnement pour comprendre le monde et se comprendre soi-même, aller au plus profond des choses, viser la plus grande sincérité, et représenter cela à sa manière, forcément unique.

Il est important de mettre un mot sur ce que l’on est. Lorsque j’ai commencé à dire que j’étais artiste, quelqu’un m’a dit que c’était prétentieux ; j’ai réfléchi à la portée de cette phrase pendant des années. Pour moi, se dire artiste est aussi prétentieux que de se dire grande ou blond ou noir. Ça fait partie de soi, on n’y peut rien, et ne pas s’accepter tel qu’on est, c’est la meilleure recette pour être malheureux. C’est pourquoi il est essentiel de s’entourer des bonnes personnes, celles qui vous soutiennent, partagent votre douce folie, vous laissent l’espace et le temps nécessaires à votre épanouissement. En contrepartie, il faut se protéger contre les personnes toxiques, qui vous font perdre votre temps ou vous demandent pourquoi vous ne trouvez pas un vrai travail… De la même façon il faut réussir à identifier et écarter les tâches parasites : chronophages, énergivores, et inutiles. Bref, il faut savoir dire non. Je pense que nous sommes tous des artistes nés et que nous perdons cela avec l’éducation, l’école, le travail insensé, la stimulation permanente, et les écrans omniprésents dès le plus jeune âge. Nous sommes sur-sollicités dans le monde actuel, or la créativité a besoin de calme. De l’ennui naissent les idées.

Cela m’attriste quand j’entends quelqu’un dire qu’il ne sait pas dessiner, parce que je suis convaincue que tout le monde sait dessiner (même si ma sœur n’est pas d’accord ! ;) ), que cela fait partie de nous au même titre que parler ou respirer : il suffit de prendre un crayon et de tracer le premier trait. Et pour progresser, c’est simple, il suffit de tracer un deuxième trait, puis un autre, etc. Créer m’apaise. Aux périodes de ma vie où la création est passée au second plan, j’étais stressée et anxieuse (je le suis toujours, mais beaucoup moins). Le concept d’art-thérapie me parle énormément. Je crois qu’être déconnecté de son soi créatif est aussi destructeur que d’être déconnecté de la nature. Par bonheur, il n’est jamais trop tard pour s’y mettre !

 Soyez  bienveillants  et  indulgents  envers  vous-même 

MERCI

Merci de m’avoir lue. Je suis contente d’avoir pu partager avec vous mon expérience, mes doutes et questionnements, et si cela vous invite à vous questionner vous aussi, tant mieux ! Si vous êtes victime de blocage, sachez que ce n’est pas une fatalité. Soyez bienveillants et indulgents envers vous-même, c’est comme ça que vous avancerez. L’important est de se lancer et d’apprécier l’instant présent.

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