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DEN END, un rêve lointain devenu réalité colorée

25.04.2024
 Trouver  son  style,  c'est  peut-être  trouver  la  confiance  en  soi... 

Entre coups de fil et SMS, ça fait un an que l’on essaie de se croiser avec DEN, il y a quelques jours, on a finalement réussi à s’assoir un moment à Pigalle avec lui, on a pu en savoir plus sur son atypique parcours. DEN est un héritier direct de la figuration libre, un mouvement pictural français qui trouve son premier souffle dans la ville de Sète, et qui n’a pas eu le succès escompté selon certains de ses acteurs. Quarante plus tard, pourtant, le souffle continue, et Denis nous raconte comment il a peint et dessiner, jusqu’à devenir un artiste reconnu et responsable.

https://www.instagram.com/den.end
https://www.facebook.com/den.end.942/

D’où vient ton nom qui est un peu étrange ?

C’est simple : DEN, c’est Denis, mon prénom. Puis un artiste m’a contacté pour me dire qu’il utilisait déjà ce pseudo. J’ai conservé le DEN, j’ai mélangé les lettres et j’ai choisi END, qui veut dire « la fin » en anglais.

Quelles ont été tes premiers contacts avec l’art ?

J’ai un grand-père qui était peintre et qui a formé des grands artistes à Sète, dont les frères Di Rosa et Combas. C’était mon premier lien avec l’art et j’aimais leurs œuvres, j’aimais bien la figuration libre. J’aimais aussi l’univers du graffiti, je taguais avec des potes, des petites signatures par-ci, par-là, un jeu d’adrénaline. Le côté hip-hop, le côté urbain et tout ce monde-là, ça m’a toujours attiré. Je suis un mélange de tout ça, de tout ce que j’ai vu dans ma jeunesse.

C’est venu en 2016, j’ai commencé à peindre, enfin, je prenais une feuille et je dessinais. Et une fois, j’ai offert ça à une tante qui m’a donné 50 euros, alors que c’était un cadeau. Ça m’a fait hyper-plaisir, et ça m’a surtout donné confiance en moi. Du coup, je me suis mis à le faire plus sérieusement, et dès que j’ai eu mes premiers POSCA, offerts par ma grand-mère, j’ai eu cette passion de dessiner avec.

Tu peux nous en dire plus sur la figuration libre ?

C’est un style pictural, c’est le fait d’être libre dans tout ce que l’on peut représenter. Avant, j’étais fasciné par les images académiques et les gens qui faisaient des peintures très réalistes, qui reproduisaient des photos. Un jour, je suis passé dans un atelier d’un pote de Combas, qui s’appelle Marc Duran, il peignait depuis deux ans, il faisait un truc entre la figuration libre et un mélange d’art aborigène. Il y avait tout un délire et c’est vrai que ça m’a touché de suite, je me suis un peu reconnu dans ce travail. Je me suis dit qu’il n’était finalement pas trop tard pour commencer. Je pensais que j’avais déjà foiré le truc car je n’étais pas allé aux Beaux-Arts. C’est vraiment lui qui m’a donné envie de me lancer, et j’ai décidé de persévérer et d’essayer de trouver mon truc.

 Je  me  suis  dit :  'Prends  tes  faiblesses  et  transforme  les  en  qualités.' 

Comment on « trouve son truc » ?

Ce qui me bloquait, avant de dessiner, c’était de me dire je n’étais pas à la hauteur, c’est un problème de confiance en soi. Et en fait, trouver son style, c’est peut-être trouver la confiance en soi. Parfois quand quelqu’un ne dessine pas vraiment, il aura toujours peur de faire mal les choses, un nez trop gros par exemple. Je me suis dit : « Prends tes faiblesses et transforme les en qualités. » Ce sont des mains qui ne ressemblent pas à des mains, admettons, mais de là, tu peux commencer à créer quelque chose de nouveau, de différent.

Je pense que l’on est toujours en train d’évoluer, c’est une constante recherche l’art pour moi. Je pense que créer c’est rechercher, un nouvel effet, une nouvelle technique, et c’est en voyant des œuvres, en se baladant, il y a plein d’idées qui peuvent germer et qui font évoluer notre art.

Où tu puises tes inspirations ?

Je puise dans tout ce qui m’entoure, je raconte des histoires à travers mes toiles ou les gens me donnent des séries de mots, ça peut être une date de naissance ou leur animal préféré, plein de choses, et moi je peins leur histoire. Je fais la totalité au POSCA, parfois avec un peu d’acrylique, et je résine certains tableaux, j’aime bien la finition et la profondeur que ça met. Je peins souvent en écoutant de la musique, je ne sais pas si ça fait partie de la technique, mais j’aime avoir un fond sonore, et selon les musiques, ça va être différent.

Quand je raconte une histoire, je réfléchis avant à ce que je vais faire. Je réfléchis moins quand je fais des toiles abstraites, qui vont servir pour les imprimés textiles par exemple. J’aime les œuvres fournies en détails, et je trouve que ça détend de faire plein de détails. J’aime aussi que ce soit très intuitif, et j’aime que ce soit les gens qui se racontent une histoire en regardant le tableau. Je pense que c’est ça le but, que ton art soit vu, et se propage. Ou alors tu fais ton art pour toi, et tu l’offres à ta tati. Je suis beaucoup dans l’échange, en ce moment je fais un projet avec la Fondation Abbé Pierre, je customise ce vélo [voir ci-dessous] qui sera vendu aux enchères, j’avais déjà réalisé des ballons. C’est aussi lié à mon parcours, de rendre à ceux qui m’ont donné.

Tu es beaucoup sur les réseaux sociaux, qu’est-ce que ça t’a apporté ?

Tu découvres des univers que tu n’aurais pas connus, et aujourd’hui, tout se passe sur les réseaux sociaux, et Internet en général. Pour moi, Internet c’est le futur, c’est la meilleure façon de se faire connaître.

Et exposer en galerie ?

C’est important. Mais je crois que c’est une démarche de rentrer dans une galerie. Surtout quand la porte est fermée. L’action de pousser la porte et de rentrer, de regarder, c’est pas évident pour tout le monde. Alors que sur Internet, tout le monde peut regarder tes images. Les deux marchent ensemble, mais le but est de voir une œuvre, de la voir en vrai, d’avoir du ressenti, ce que tu n’as pas sur Internet.

Est-ce que tu as reçu des compliments qui t’ont particulièrement touché ?

Oui, il y en a un qui m’a touché particulièrement : un jour j’ai vendu une veste à Martine, une grand-mère de Montmartre, et elle m’a dit : « C’est la première chose de colorée que j’achète depuis la mort de mon mari. » C’est touchant ce genre de moment. J’ai aussi fait une fresque participative pour une fondation qui s’occupe de gens très malades, le fait qu’ils soient concentrés sur un moment créatif avec des couleurs, ça me touche presque plus que des mots. Quand tu fais une œuvre participative, tu ressens le bonheur des gens en train de faire, et ça a beaucoup plus de sens que plein d’autres choses, c’est aussi une histoire de valeurs.

Tu penses que l’art peut être une thérapie ?

Oui, pour moi ça va de soi que c’est une thérapie. C’est comme faire de la musique, c’est un exutoire, c’est que l’on a quelque chose à raconter. Faire travailler son imaginaire, c’est une thérapie de l’âme. C’est thérapeutique pour l’artiste, et ça peut l’être aussi pour les autres. Et si ça l’est pour les autres, c’est encore mieux.

Quels sont les artistes qui t’ont inspiré ?

Le premier c’est Keith Haring, j’aime beaucoup son travail, j’aime aussi Monsieur Doodle, Combas, les frères Di Rosa, Picasso… Et j’en découvre tout le temps des nouveaux. Je n’ai pas un cursus artistique et c’est peut-être aussi ça qui m’a permis de trouver ma patte rapidement. Il y a un peintre allemand avec qui j’ai peint qui m’a dit : « Ce que j’aime dans ton art, c’est que tu ne prévois pas trop ce qui va se passer. » Par exemple, ce peintre, avant de faire un tableau, il fait six schémas et il peint trois toiles, pour ensuite faire quelque chose de définitif. Moi, je commence une toile, et je ne sais jamais ce qui va se passer à la fin.

Tu fais aussi des vêtements, que l’on reconnaît au premier coup d’œil…

À partir de mes peintures, je crée des imprimés, et à partir de ces imprimés je fais du textile « made in France ». J’aime l’idée de valoriser le savoir-faire français. Je fais des séries limitées et j’essaie d’être qualitatif. C’est quelqu’un qui m’a donné l’idée, j’ai fait quelques vestes et ça a plu. C’est pas tout le monde qui peut mettre une certaine somme dans une toile, et j’aime l’idée que les gens puissent porter de l’art, sinon c’est au mur chez eux ou dans des galeries, dans lesquelles ils n’oseront pas entrer.

J’ai aussi constaté que mes textiles connectaient les gens. Je connais deux personnes qui se sont croisées sur Châtelet, et ils se sont mis à parler ensemble car ils portaient chacun une de mes vestes. Et je suis déjà allé en soirée avec une veste, et je suis reparti sans. Je ne l’ai pas oubliée, je l’ai vendue à un mec de Rio qui la voulait absolument et qui partait le lendemain.

Il y a aussi un événement particulier, dans ton parcours, c’est que tu as été SDF.

En 2016, j’ai commencé vraiment à peindre, j’étais dans un foyer à Mende en Lozère. Je peignais pour vaincre l’ambiance morose des lieux. J’étais en contact avec un peintre pakistanais, Mehtab Ali, qui est plutôt réaliste, du coup je lui ai proposé de faire une œuvre en commun, et il m’a envoyé une toile au foyer. Les éducateurs n’avaient jamais vu ça, un colis du Pakistan, ils ont même fouillé le paquet ! J’ai travaillé sur la toile, ça m’a fait du bien, et c’était le premier travail professionnel que je faisais, la première collaboration aussi, avec un artiste qui est coté dans le monde de l’art. Je dessinais sur des Post-it, et l’instant d’après je reçois une toile du Pakistan pour une collaboration. Je l’ai rencontré sur Internet, et tout ce que j’ai pu faire c’est grâce à Internet et Instagram. C’est le meilleur des vecteurs pour propager son travail. Comme le rappeur Black M qui est passé dans une boutique où j’avais mis des vestes, et il a fait une photo avec.

Moi, j’avais le rêve de Montmartre, comme beaucoup d’artiste, et je voulais connaître. Mais comme j’étais à Mende, c’était pas vraiment axé arty, du coup j’ai commencé à exposer un peu là-bas, ça plaisait mais ça ne vendait pas. J’étais en contact avec une femme sur Internet qui aimait ce que je faisais, et qui m’a proposé d’exposer dans une galerie à elle où je pouvais aussi vivre. Elle m’a donné deux mois de chance et je m’en suis servis comme un tremplin. C’était inespéré, une femme qui te prête un local, moi je suis SDF quand j’arrive, je n’ai pas un sous, et mon histoire commence comme ça.

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