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On a interviewé MARKO93 dans son atelier à Saint-Denis

18.08.2025
 La  première  des  choses,  c'est  l'émotion... 

Saint-Denis style !

Marko jure qu’il ne se présentera jamais aux élections pour devenir le maire de la ville de Saint-Denis, il restera tout simplement l’un de ses ambassadeurs. Plongé dans le graffiti dès la fin des années 80, l’artiste décide très vite d’aller voir ce qu’il se passe ailleurs, outre les mers et les océans. Son travail évolue avec les années pour s’ouvrir davantage au street art.

Sa recherche devient permanente, sa réinvention quotidienne, et de nouvelles destinations en nouveaux lettrages, il acquiert techniques et savoir-faire pour réaliser des œuvres universelles, tout en provoquant les occasions pour faire de belles rencontres.

MARKO93 est sur Instagram

 J'ai  vu  ça  une  fraction  de  seconde  et  c'est  resté  dans  ma  mémoire... 

Tu peux nous en dire plus sur ce lieu où se trouve ton atelier ?

On est au 6B qui est un immeuble où se trouvait les bureaux de Alstom. C’est un bâtiment classé, ce qui fait qu’il ne peut pas être détruit. Le promoteur ne savait pas quoi en faire, ça n’était pas rentable de le réhabiliter, donc il a signé une convention avec une association qui s’appelle le 6B.

L’asso gère une centaine d’ateliers, dans lesquels il y a des peintre, dessinateur, sculpteur, musicien, réalisateur… Là, on est dans mon espace où je peins, à l’aérosol, au POSCA, à l’acrylique, c’est un endroit où j’essaye plein de choses et où je peux faire des tâches par terre !

Tu es originaire de la ville de Saint-Denis ?

Je suis originaire de Saint-Denis, une ville qui est à dix minutes au nord de Paris. On est de l’autre côté du périph’. Depuis gamin j’ai toujours eu deux passions : le graffiti et les soirées. J’adore le rap et le R&B des années 90, que parfois on appelle les Golden Years. Donc quand j’allais aux soirées à Paris pour écouter ces musiques, je taguais sur le trajet.

Ensuite, j’ai fait du graffiti, avec aussi un côté social dans le sens où je peignais dans des quartiers parfois défavorisés, et il y avait un échange qui se créait avec les habitants. Les gens étaient amenés à vire au quotidien avec ce que j’avais dessiné, c’est quelque chose que j’ai toujours considéré. Le graffiti entre dans les galeries et les musées depuis quelques années en France, mais ça fait plus de 30 ans que les gens vivent avec des fresques autour d’eux dans les banlieues.

Comment c’était de grandir à Saint-Denis ?

Comme je dis souvent : « Quand tu as grandi à Saint-Denis, tu es paré à faire le tour du monde ! » Ici, l’aventure elle commence en bas de chez toi ! C’est aussi une ville où l’on est un peu chauvin, un peu comme les Marseillais. Et Saint-Denis, même si tu déménages, tu la gardes dans le cœur.

Je voyage énormément, j’ai besoin d’aller voir ailleurs, et quand je reviens et que je vois les panneaux Saint-Denis, ça me fait plaisir. Parfois il faut partir pour apprécier de nouveau ta ville.

Tu te souviens de tes premiers souvenirs de graffiti ?

Quand j’étais minot, je traversais en courant un terrain vague qui séparait la cité des Franc-Moisin de la cité des 4000 de La Courneuve. Et au fond du terrain, j’ai le souvenir de voir des espèces de lettres dessinées avec une tête de b-boy et des étoiles sur les lettres, qui donne une espèce de halo.

J’ai vu ça une fraction de seconde et c’est resté dans ma mémoire. À Saint-Denis, c’était rempli de tags, d’ailleurs pour qu’un mec se fasse connaître, il fallait qu’il attende qu’un mur soit repeint pour être le premier à taguer dessus !

Comment tu as appris le graffiti ?

À l’époque, il n’y avait pas de tutos ! Pas Internet ! pas Youtube ! Quand je me suis intéressé à tout ça je suis allé dans les terrains vagues, regarder, analyser, faire des photos. Et quand j’avais la chance de tomber sur un mec qui faisait un graff, j’y allais timidement et je le regardais bosser.

Tu apprends beaucoup en regardant les autres faire, j’ai appris de cette manière. Il fait ses esquisses en clair, OK. Après il affirme ses esquisses avec une couleur plus foncée, il dégrade telle couleur avec telle autre, ensuite les contours, et pour finir il met un reflet blanc. Quand j’ai été devant une œuvre je la décortiquais : la première des choses c’est l’émotion, c’est ce qui fait que je vais m’y intéresser d’un peu plus près.

 c'était  pas  évident  de  se  retrouver  dans  une  pièce  devant  un  petit  cadre... 

Aujourd’hui tu te sens plus street-art que graffiti ?

Je ne me sens pas plus street art aujourd’hui, mais on a besoin de mettre une étiquette. Je fais moins de graffiti et plus de façades peintes et toiles. Je suis un peintre tous supports tout simplement. Alors que les gens voient du graffiti ou du street art dans mon travaille peu m’importe.

Comment a évolué ton style au fil des années ?

Là, ça peut durer des heures ! J’ai commencé autour de 1988, à écrire avec un marqueur dans les rues, j’avais aussi fait un flop avec deux bombes et un pote. En 89, j’ai commencé à dessiner, notamment avec des POSCA sur des feuilles. Un style très new-yorkais, b-boy, lettrage, limite Wild Style avec ses fameuses étoiles et ses flèches.

En 93, je fais des couchers de soleil, des skylines comme on dit, et en même temps je commence à m’intéresser à la calligraphie que je traite d’une manière abstraite. J’ai pioché dans différents alphabets : arabe, asiatique, les kanjis, et même l’écriture mongole verticale. À ce moment-là, je sors du lot car c’était nouveau. Aujourd’hui il y a le courant calligraffiti qui marche bien dans le monde entier.

Autour de 95, j’ai commencé les fresques réalistes : je prenais une photo et je la reproduisais sur un mur. On était une dizaine à faire ça. Le meilleur c’était Alex des MAC qui a été le fer de lance européen, voire mondial.

En 99, j’étais avec ma chérie, on regardait le film The Pillow Book de Peter Greenaway, c’est l’histoire d’un mec qui dessine sur des peaux humaines, c’est un peu barré. J’ai pris un marqueur et je lui ai dessiné sur le dos ! Un 93 avec des calligraphies autour. À partir de là, en soirée, je peignais sur des gens, j’ai dû le faire sur des milliers de personnes ! J’ai même peint sur Katoucha, le premier mannequin noir égérie de Yves Saint Laurent.

En 2000, je vois une photo où il y a les traînées des phares d’une voiture. Un ami m’explique que c’est la technique de la pause longue en photographie et qu’avec une lumière qui se déplace on obtient une traînée, sans trucage. Je commence à utiliser cette technique pour faire des photos, mais aussi des performances, tout en taguant mon nom.

Je pensais avoir inventé un concept, être gravé dans les mémoires et je suis tombé sur des photos de Man Ray qui a utilisé cette technique en 1934 ! Là, on redescend ! J’ai fait des performances sur toute la planète, notamment en Arabie Saoudite où j’ai fait du light painting en direct retransmis sur un écran de 20 mètre de large, c’était incroyable !

Fin 2000, je prends cet atelier. Je me suis remis à la peinture et j’ai essayé de faire des toiles, ça a été difficile d’être satisfait. Je venais de la rue, ça n’était pas évident de se retrouver dans une pièce devant un petit cadre. J’ai mis quatre ans à trouver mon style.

L’atelier ça permet d’essayer des nouvelles choses, de trouver des idées qui pourront me servir pour un mur. J’y reste trois / quatre jours, je suis en immersion. Je suis dans mon environnement et je vis avec mes créations. Une fois j’y suis resté six jours non-stop !

C’est aussi beaucoup de souffrance de créer dans l’atelier, mais j’aime quand même me mettre en danger. Si j’ai 30 toiles à faire pour une expo, il y en a 20 que je ferai en avance, et les dix dernières en trois jours, avec une bonne playlist et beaucoup de café ! Et à chaque fois que je rends les tableaux, je me dis : « Plus jamais ça ! »

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