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Berthet one, la chance de tirer le bon numéro d’écrou

19.04.2024
 Le  dessin  ça  commence  très  tôt,  mais  ça  s'arrête  très  tôt... 

Dans les années 80…

Un jeune Berthet regarde Cabu à la télévision dans les émissions de Dorothée et se rêve en dessinateur. Encouragé par ses frères et sœurs il se met à dessiner.

C’est le moment où le hip-hop déferle en France, l’un de ses aînés y participe, c’est donc tout naturel que le jeune futur artiste s’y penche un peu plus, et que le graffiti commence à lui titiller l’esprit.

Berthet embrassera cette culture, en spectateur, pas assez grand pour en faire partie, pas assez jeune pour ne pas comprendre qu’il est en train de vivre un moment important : « J’ai été dedans direct, ça faisait partie de ma vie. Mon grand-frère a participé à l’organisation des premiers concerts de rappeurs, les NTM étaient dans le coin, j’ai vu les premiers murs de JonOne, je parcourais la Zulu Letter, et je me retrouvais en voiture avec Akhenaton de IAM. Mais ça, je ne l’ai réalisé que plus tard, je ne savais pas qui c’était à l’époque ! »

Le parcours de Berthet est atypique. De Paris 14ème, où il naît, à La Courneuve et Aubervilliers où il grandit, l’homme qu’il est aujourd’hui a eu plusieurs vies. Au milieu de sept enfants, des parents attentifs et présents, bercé par Dorothée, son club et sa télé, ses dessins-animés archi-colorés, mouvementés, mangas, parfois grivois, il grandit et s’imprègne de cette culture fourmillante des 80’s.

Et au milieu de la lucarne (la télé, hein ;), il y a le dessinateur Cabu qui à coups de marqueurs croque et raille les animateurs pour enfants sages. Avec une prédilection pour le nez de la présentatrice vedette. C’est parfois de mauvais goût mais c’est aussi le ton libre de l’époque qui permet aux plus taquins de taquiner.

Jean Cabut dit Cabu

Un type sans âge avec une coupe au bol et des petites lunettes, posé dans un coin il dessine en direct les animateurs de l’émission pour enfants Club Dorothée dans les années 80. Le trait du dessinateur est épuré, efficace et parfois teigneux. Cabu, Jean de son prénom, l’oncle sympa des dîners de famille, qui sera le samedi soir sur TF1 chez Michel Polac pour dessiner l’actualité au milieu d’adultes qui se balancent des cendriers aux visages.

C’est lui que Berthet regarde les mercredis après-midi et qui sera l’une de ses premières inspirations. Cabu croque la France, parfois férocement, Berthet gardera l’angle grinçant et les traits arrondis, la simplicité et l’efficacité. Cabu est assassiné le 7 janvier 2015 lors de l’attentat contre le journal Charlie Hebdo.

 

D’un naturel calme dans un quartier calme, Berthet s’encanaille avec ceux de la cité d’en face : « Ils faisaient des sous pendant que je dessinais. J’ai cédé à la tentation, j’ai fait pareil. Coups sur coups et c’est la case prison. Retour au dessin, contraint et forcé, pour faire passer le temps, ça m’évadait un peu ». Il fait des études, Bac + BTS en communication.

Et il y a ce moment où les étoiles s’alignent. Le maton, celui qui passe plusieurs fois par semaine vérifier que les barreaux sont en bon état, a un coup de cœur pour les images de Berthet. Le prisonnier a tiré le bon numéro d’écrou : « Et là le maton qui me guette me dit : Je suis fan de dessins, tu as vraiment un talent, de l’or entre les mains ! Tu m’en fais un ? »

Berthet est dans le doute, il promet. Quelques jours plus tard, le gardien a une feuille entre les mains – le dessinateur s’y est mis en scène face à son geôlier à genoux qui le supplie de lui faire un dessin. Succès immédiat. Un moment d’estime derrière les barreaux ça compte dans une vie.

 Je  réalise  que  le  dessin  est  un  super-pouvoir... 

Ensuite, c’est l’enchaînement (et on la fait court) : sortie de prison, directions les perches à saisir, les opportunités à ne pas manquer. L’ex-taulard est pro-actif, travaille dur, « joue » de son histoire et bluffe. Ses dessins sous le bras, il aborde une galerie orientée arts urbains, rapidement une expo est dans les tuyaux. Il s’organise en équipe pour mieux avancer et mettre en avant son travail « mon manager, Djamel, était aussi celui du rappeur Sefyu ! »

Ça côtoie un certain Karl L., ça prépare une BD – L’évasion, ça passe au journal de 20 heures de Claire Chazal, ça créé le Left Handed Crew avec El Diablo (créateur du dessin animé Les Lascars) et Eric Salch – deux autres gauchers. C’est aussi l’association Makadam pour des ateliers en prison « pour donner le goût de dessiner aux jeunes qui ont fait quelques conneries. » Le tout saupoudré de partenariats avec la marque Wrung, de projets ciné, BD et dessin animé. Berthet dévore sa liberté, sans modération, et multiplie les activités. Il crée un équilibre solide, redistribue ce qu’il a appris et apprend de ceux qui lui ont fait confiance.

Il a une tonne d’anecdotes, les raconte avec talent, tout en finalisant ses dessins sur les murs du Carré Baudouin pour l’exposition Mémo qui commence vendredi. Les strips (vignettes) racontent les balbutiements du hip-hop et du rap en France, et de quelles manières il a pu être documenté, sur quels supports : « C’est vrai que ces dessins racontent un certain hip-hop, celui des années 80, il fallait y être pour le voir, il y a peu de traces de ce qu’il a été, peu d’images et quelques enregistrements de rap sur des K7 audio. Mais c’est comme ça. On entend souvent ‘c’était mieux avant’, mais en fait le hip-hop renaît, sous une autre forme, et c’est comme le reste, il y a ceux qui s’adaptent et ceux qui ne s’adaptent pas. »

Péremptoire Berthet. Efficace et tranché, altruiste, aussi conscient qu’il faut être son propre patron quand on a choisi la voie artistique. Mais derrière le sérieux, il y a toujours l’humour qui pointe : « Quand je suis sorti de prison, il y avait internet et Facebook ! C’était allé trop vite ! Là, je viens de me faire un compte Instagram et j’aimerais plus de followers, par contre pas question de les acheter ! Je veux réunir une vraie communauté. »​

https://www.instagram.com/berthetone

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